Aimer, vieillir et danser ou « La danse et l’espoir »!
À Maria, au jeune garçon qui voulait danser, tous deux de Pikogan, à Mirabelle, à Éli, à Marcel, Sophie, Cédric et à tous ceux que j’ai rencontrés sur ma route en Abitibi.
En février 1948, la jeune Françoise Sullivan prononce une conférence pleine de vérité. Quelques mois plus tard, elle en fait sa contribution au manifeste du Refus global qu’elle co-signait avec Paul-Émile Borduas et 14 autres jeunes artistes. Pour sa charge émancipatrice, son texte reste encore tout autant à propos de nos jours.
« Aujourd’hui on s’agite pour reconstruire le monde. L’instrument de sauvetage est l’instinct. Cet instinct si longtemps emprisonné, une partie de notre effort consiste maintenant à le déterrer.
Heureusement, il y a les besoins vitaux, forces irrésistibles ; il y a l’espoir et puis, il y a la science qui ne doit pas s’isoler, mais présider comme autrefois au culte et à la magie. Il faut que tout s’organise pour la libération, pour retrouver le vertige, l’amour. »
Dans nos riches sociétés, notre pouvoir d’achat nous a rendu bien confortables, cherchant à contrôler les imprévus, toujours en quête de l’élixir d’une jeunesse éternelle.
L’effrayant bal masqué auquel la nature nous a conviés est venu stopper nos chimères, ralentir nos rythmes effrénés, questionner nos prétentions, nos quotidiens, bousculer nos habitudes rangées. La crise est venue exacerber les travers de nos sociétés à l’aise, déjà confinées, par des sentiments d’exclusion, des cloisons entre les générations, entre les genres, entre les nantis et les affamés, les étrangers, les abusés, les différents et les autres.
Notre Cinédanse 2022 souhaite interpeller le public de Rouyn, de l’Abitibi, en injectant une bonne dose de liant dans les communautés à travers des danses à l’écran, porteuses. Des danses nous permettant de nous observer, de mieux nous comprendre, de nous connecter avec nos instincts, afin que nos consciences se transforment et s’élargissent.
À l’été 2017, notre caravane, avec à son bord la cinéaste Béatriz Mediavilla et le chorégraphe Thierry Thieû Niang s’arrête à Rimouski, chez le métis Jean Bédard. Le philosophe et ex-intervenant social nous raconte qu’avant l’arrivée des Européens, les peuples autochtones se nourrissaient d’une spiritualité fondée sur le petit-enfant porté en chacun de nous. Qu’il fallait l’animer tout au cours de notre existence, selon les circonstances.
Se sentir investi, partie prenante, être utile, servir à quelque chose, donner un sens à sa vie par la transmission, à travers les autres, un projet, jusqu’à la mort. La danse fait ressurgir, réanime cet instinct.
Bien plus qu’une pilule miracle pour nous garder jeunes à tout prix, « La danse et l’espoir » de Sullivan résonne encore aujourd’hui comme une injonction. Cinédanse Rouyn-Noranda 2022 en sera l’écho.